"Aller vers" : Comment réussir son action itinérante d'inclusion numérique et quels sont les projets dont on peut s'inspirer ?

Cette fiche outil sur les actions itinérantes d’inclusion numérique est une co-production avec notre partenaire le GIP Pays et Quartiers de Nouvelle-Aquitaine. Vous pouvez ainsi consulter cette fiche-outil sur leur site internet

La présente fiche-outil entre davantage dans le détail quant aux projets itinérants existants sur le territoire de la Nouvelle-Aquitaine, ainsi qu’au national.

De la logique du faire venir ...

Pour démarrer cette nouvelle fiche-outil, commençons par un bref résumé des politiques d’inclusion numérique menées par le passé.

La fracture numérique apparaît comme un sujet politique durant les années 2000, époque où les outils numériques intègrent petit à petit le quotidien de la plupart des Français. 

Le terme désignait alors le fossé créé entre deux catégories de la population : ceux ayant accès au numérique et ceux n’y ayant pas accès et ceux pour des raisons financières (coûts des équipements), géographiques (qualité du réseau dans la zone) et sociologiques (jeunes générations « nées avec », versus plu anciennes générations qui ont toujours fait sans, etc…).

Ainsi, pendant longtemps, les grandes politiques menées en faveur de la réduction de ce fossé numérique ont porté essentiellement sur l’accès aux équipements numériques, via la création des Espaces Cyber-base et autres Points Cyb (des EPN : Espaces Publics Numériques). La logique de l’époque voulait que faciliter l’accès aux outils en faciliterait aussi l’usage…

Malheureusement, ce n’est pas “aussi” simple que cela.

... À la nécessité du "aller vers"

Car si l’accès aux outils est bel et bien le 1er degré de ce que l’on appelle “la fracture numérique”, les connaissances pour bien les utiliser constituent le deuxième et troisième degrés.

À quoi bon avoir les outils si l’on ne sait pas s’en servir, ou même si l’on n’y voit aucun intérêt ?

En 2021, on estime que 40% des Français manquent d’au moins une compétence numérique de base, tandis que la société, elle, se digitalise de plus en plus (dématérialisation des services publics, la communication et l’information passent de plus en plus par les réseaux sociaux / la presse numérique …).

Cette digitalisation, déjà bien installée, renforce les inégalités et tend à isoler les plus vulnérables.  La seule logique du faire venir montre ainsi  ses limites. Les acteurs de l’inclusion numérique ont dû s’adapter aux besoins des publics : ceux qui parfois vivent dans des endroits reculés, peu desservis par les transports en commun, et n’étant pas eux-mêmes véhiculés.

Avec une question en tête : comment aller vers ces publics que l’on ne parvient pas à atteindre ?

Comment "aller vers" ?

L’objectif principal est donc de se rendre au plus près des usagers qui pourraient avoir besoin d’un accompagnement numérique, tout en leur donnant accès à l’information qu’un tel accompagnement existe près de chez eux.
Un projet simple sur le papier, mais qui tend à très vite se complexifier dans la réalité.

1 - Se rendre au domicile des usagers :

C’est évidemment la manière la plus directe de procéder. Si les personnes ne peuvent pas venir, alors l’inclusion numérique viendra à eux.

Ce choix n’est cependant pas le plus simple à mettre en place :

  • Cela demande évidemment d’être véhiculé, pour se rendre au plus près des besoins,

  • Ces accompagnements sont exclusivement individuels, ce qui prend énormément de temps,

  • Il est nécessaire que la personne numériquement vulnérable prenne rendez-vous, ce qui demande de dépasser des premiers freins psychologiques (liés à l’accueil d’un inconnu chez soi, la reconnaissance de son manque de compétence, la prise de conscience de l’utilité de se former …), ainsi qu’une connaissance en amont d’une telle possibilité d’accompagnement.

Exemples de projets itinérants se rendant au domicile des usagers :

Les restrictions, qu’elles soient d’ordre légal, psychologique ou encore logistique en font une modalité d’accompagnement assez peu répandue. 

La plus connue est Mon Assistant Numérique, un dispositif d’accompagnement et de formation, où un assistant présent à moins de 25km de chez vous intervient à domicile et sur rendez-vous pour vous aider sur un élément précis du numérique (démarches administratives, formation à un logiciel, utilisation d’une tablette …).

Mon Assistant numérique est un dispositif présent sur le territoire national et s’adresse à tout type de public (professionnels, “seniors” …).

2 - S'appuyer sur les lieux déjà identifiés par les personnes en difficultés avec le numérique : la création de partenariats

Face aux problématiques soulevées par l’approche directe (chronophage, soumise à de nombreux freins psychologiques), faire appel à des intermédiaires locaux peut être un excellent compromis.

Il existe en effet de nombreuses structures qui accueillent des personnes en situation de fragilité numérique, telles que les associations sportives et culturelles, les points relais alimentaires, les missions locales, les bars-tabac, les EHPAD, les agences Pôle Emploi… Autant de lieux de sociabilité qui relèvent du quotidien pour de nombreuses personnes, qu’il peut être intéressant de mobiliser pour y mener des actions d’accompagnement au numérique. Cela peut prendre la forme d’une relation partenariale entre vous et la structure qui vous accueille.

Exemples de projets itinérants s’appuyant sur des partenariats :

La Régie de Quartiers Diagonales (La Rochelle – Charente Maritime)

Objectifs : Favoriser l’autonomie numérique de toutes et tous, en accompagnant la montée en compétences des bénéficiaires. Pour pouvoir atteindre lesdits bénéficiaires, Diagonales identifie les lieux existants de forte fréquentation (lieux de socialisation…), pour pouvoir y mener des actions de médiation numérique.

Modalités de mise en œuvre : 2 médiateurs numériques interviennent dans les 6 lieux du quartier, ½ journée par structure et par semaine. Ces interventions sont gratuites pour le public.

Territoire d’action : Quartiers de La Rochelle

Publics cibles : Tout public

Financements : via les partenaires de la structure

Le Bus France Service du Cap Centre Social de Tonnay (Charente Maritime)

 

Objectifs : Service public itinérant, les “France Services Mobiles” répondent aux mêmes besoins que les Maisons France Services (à savoir l’accompagnement aux démarches administratives : santé, famille, emploi, accompagnement au numérique…).

Modalités de mise en œuvre : Le bus est entièrement équipé pour pouvoir accueillir du public et y mener des accompagnements individuels, sur rendez-vous. 1 agent France Services disposant du permis B est nécessaire pour conduire le bus et mener ces accompagnements. 

Le travail de concert avec les communes est primordial : l’arrivée du bus (et son utilité) est annoncée dans les supports de communication de la commune, tels que le bulletin municipal, des flyers distribués dans les boîtes aux lettres … Le numéro de téléphone de l’agent France Services y est communiqué, pour que les bénéficiaires puissent prendre rendez-vous.

Il faut aussi que le bus puisse bénéficier d’un emplacement stratégique, pour qu’il soit identifiable en un coup d’œil par les locaux. Le partenariat avec les mairies est donc impératif, pour faciliter la logistique.

Le bus est présent 1 fois tous les 15 jours dans chaque commune.

Pour que les communes puissent bénéficier de la présence du bus, des appels à manifestation d’intérêt sont régulièrement lancés pour accroître la zone d’action du bus. 

Territoire d’action : les communes rurales – après une expérimentation sur 3 communes, le bus officie désormais sur 13 communes.

Publics cibles : territoires ruraux, forte représentation des publics seniors mais le dispositif s’adresse à tous les publics.

Financements : subventions publiques – 30 000€ par la Banque des Territoires, l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires et par la Communauté d’agglomérations (à hauteur de 20 000€). 

Contact : cap.emmanuel.garcia[at]gmail.com 

Le syndicat mixte la Fibre 64 et son médiateur numérique itinérant : 

 

Objectif : Proposer des ateliers collectifs de médiation numérique dans les communes des Pyrénées-Atlantiques (64)

Modalités de mise en œuvre : sur le plan RH, un médiateur numérique, disposant d’un véhicule. Le matériel utilisé pour les ateliers collectifs appartient à la structure et est mis à disposition des participants. Ils peuvent ainsi prendre en main ledit matériel et manipuler des logiciels pré-installés (ce qui évite la problématique d’avoir un participant sans le logiciel en question). 

Le travail main dans la main avec les communes est aussi nécessaire, notamment sur le plan de la communication : les participants doivent passer par elles pour pouvoir s’inscrire aux ateliers collectifs. 

Territoire d’action : les collectivités des Pyrénées-Atlantiques

Publics cibles : tous publics. Les ateliers collectifs portent sur des sujets variés : la prise en main de certains logiciels va probablement intéresser une cible professionnelle, là où les ateliers de prise en main des outils numériques vont attirer une cible plus large.

Financements : L’action de médiation itinérante est notamment soutenue par un des partenaires de La Fibre 64 : SFR et son fonds spécifique dans le cadre de la Délégation de Service Public de déploiement du très haut débit THD64.

3 - Investir des lieux stratégiques

Cette troisième solution complète les deux précédentes. Souvent, les usagers n’ont pas connaissance des dispositifs mis à leur disposition. Il faut donc aller dans les endroits stratégiques, tels que les places de marché, les parkings de salles de fêtes, proches des églises ou des écoles … Pour les communes les plus reculées, il s’agit ici parfois des seuls espaces de socialisation qu’il reste (fermeture des services publics, absence de points de commerce …).

Exemples de projets itinérants s’appuyant sur des partenariats :

Le triporteur du Pimms médiation Bordeaux
Le triporteur électrique connecté du Pimms médiation Bordeaux

Objectifs : 

  • Offrir une présence active de proximité en captant notamment les personnes invisibles et être vecteur de lien social,
  • Favoriser l’accès aux droits et aux services publics
  • Sensibiliser aux bonnes pratiques sur Internet
  • Faciliter l’accès vers les dispositifs d’accompagnement numérique

Modalités de mise en œuvre : sur le plan RH, un binôme de médiateur du Pimms médiation Bordeaux et du Groupement d’Intérêt Public Médiation.

Le triporteur est constitué d’un mange-debout, d’une borne wifi en libre accès, de boissons fraîches, de thermos de café et de thé. Le triporteur est totalement autonome en électricité.

La prise de rendez-vous n’est pas obligatoire. Les médiateurs peuvent administrer un questionnaire d’évaluation aux personnes présentes, afin d’estimer leurs compétences numériques et les accompagner dans des démarches administratives. Il est également possible de prendre un RDV sur place, via le triporteur, pour un accompagnement dans la structure fixe du Pimms Médiation Bordeaux. Il s’agit donc ici d’un dispositif de première administration des informations et d’accompagnement.

Enfin, en ce qui concerne la communication, le triporteur bénéficie d’un réseau de prescripteurs et d’affiches dans les lieux d’itinérance pour annoncer sa venue.

Présence : sur les places de Bordeaux (Stalingrad, André Meunier) et de Bègles, aux pieds des immeubles, à l’entrée des supermarchés, aux sorties des écoles … Le triporteur s’adapte aux habitus de la population pour être présent : plutôt près des écoles le matin, sur les places en journée …

Territoire d’action : 3 Quartiers Politique de la Ville (QPV) : Bordeaux Sud – la Bastide, Carles Vernet et la Benauge ; Bordeaux Nord – Grand Parc, Aubiers, Bacalan ; Bègles – Terres Neuves, Dorat et Thorez

Publics cibles : tous publics des Quartiers Politique de la Ville.

Financements : 12 500€ (à l’investissement)

Contact : 

Pimms Médiation Bordeaux : Valérie Moutinard, 06 65 58 26 83 – valerie.moutinard(at)pimms.org

GIP Médiation : Betty Elang, 06 16 09 15 74 – coordosud(at)bordeauxmediation.fr

Edouard Sainte-Luce, 06 16 09 52 19, begles(at)bordeauxmediation.fr

La Coccinet numérique du Coup de Main Numérique, en Loire-Atlantique

Objectifs : Proposer un nouveau format d’atelier de médiation numérique et capter de nouveaux publics qui ne sont pas attirés par les structures traditionnelles de médiation numérique. 

Modalités de mise en œuvre : Dispositif mobile et autonome en électricité, la Coccinet est constitué d’un bureau pouvant accueillir jusqu’à 5 personnes, pour des accompagnements collectifs l’après-midi), ou bien des accompagnements individuels (le matin) sur les questions de démarches administratives. Pour mener à bien sa mission, un conseiller numérique ainsi que deux services civiques sont missionnés. 

Question logistique, la Coccinet prend 4 places de parking, nécessite un branchement électrique et doit s’installer, pour le confort de l’équipe, près de sanitaires. 

Territoire d’action : les communes rurales de Loire-Atlantique

Publics cibles : les seniors

Financements : Financements privés des partenaires du projet : la Carsat, Malakoff Humanis et la Maif Atlantique

Contact : damien.jamouillet(at)le-coup-de-main-numerique.org

Les facteurs de réussite d'un projet de médiation numérique itinérant

1. La confiance, la base d'un accompagnement

Les personnes ont généralement du mal à demander de l’aide, à moins d’y être contraints.

Il est important de gagner dans un premier temps la confiance des publics que l’on vise : cela passe par le fait d’installer une présence régulière, de mener un travail de pédagogie indirect pour expliquer en quoi consiste l’accompagnement / le dispositif et à quoi cela peut servir.
C’est une étape certes chronophage, mais ô combien essentielle.

2. Être motivé et motivant

Aller à droite et à gauche, ce n’est pas tous les jours facile. D’autant plus que l’itinérance force la rencontre de publics très différents les uns des autres, ce qui demande une certaine capacité d’adaptation à un besoin / à une demande. 

N’oubliez pas que vos publics n’ont pas toujours conscience d’avoir besoin de vous : il est important de leur insuffler la motivation nécessaire pour qu’ils veuillent bien vous suivre.

3. Mobiliser les forces en présence

La communication sera le nerf de la bataille. La logique du aller vers nécessite de faire avec les forces en présence, qui constituent le quotidien de votre public-cible.

Ce sont eux qui seront en mesure de présenter votre dispositif, de vous faire rencontrer du monde, de vous aiguiller dans vos repérages. Ils sont vos plus précieux alliés pour mener à bien vos actions de médiation numérique. Alors maintenez vraiment une relation de confiance et de coopération avec eux !

Ressources complémentaires

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